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parmi toutes les libertés revendiquées de nos jours, il n’en est pas qui soulève plus de questions et de controverses que le divorce. le divorce est-il juste ? est-il moral ? ou bien est-il nuisible aux liens de la famille, et partant à l’ordre social ? l’indissolubilité n’est-elle pas nécessaire à la dignité du mariage, au bonheur et à l’avenir des enfants ? la société a-t-elle le droit d’intervenir dans l’association de l’homme et de la femme ? a-t-elle le droit de leur prescrire des devoirs qui, dans l’ordre naturel, ne relèvent que de l’amour, et d’en punir la violation ? aux époux seuls n’appartient-il pas de juger ce qui est utile à leur bonheur et à leur progrès moral ? l’autorité sociale peut-elle exercer une pression sur l’âme et le corps des époux, s’immiscer dans leurs rapports intimes, sans porter une grave atteinte à la liberté individuelle ? est-ce que ce droit qu’elle s’arroge ne constitue pas un abus de pouvoir ? n’est-il pas admis dans notre législation comme un principe, que tout contrat d’association, aliénant perpétuellement la liberté des contractants, est nul de droit ? pourquoi cette exception pour l’association du mariage ? mais, d’abord, qu’est-ce que l’autorité sociale ? et qui lui confère le droit d’intervenir ? autrefois, elle reposait sur deux principes reconnus aujourd’hui radicalement faux : la sanction divine et l’inégalité. elle était un droit pour ceux qui l’exerçaient, qu’ils s’appelassent rois, aristocrates, prêtres. alors les inférieurs, stigmatisés comme tels, avaient le devoir d’obéir à leurs supérieurs, prétendus élus de dieu. c’était dieu qui avait dicté les lois, dieu qui nommait ses représentants. telle était l’idée autoritaire du passé. mais, dans l’opinion moderne, l’autorité n’est plus qu’une fonction déléguée par les intéressés pour exécuter leur propre volonté. or, quelle peut être la volonté de deux êtres qui s’unissent ? le bonheur, la garantie de ce bonheur, et pour les enfants, la sécurité de l’avenir. ici comme partout le droit nouveau est en lutte avec le droit ancien. nos lois portent encore l’empreinte de l’antique despotisme et de l’arbitraire d’une croyance et d’une loi morale qui croulent de toutes parts. sans doute la loi essentiellement chrétienne de l’indissolubilité, car ce fut d’abord un dogme avant d’être une loi, eut sa raison d’être. dans la primitive église, elle a joué incontestablement un rôle moralisateur. elle a sauvé alors la famille qui périssait à rome par le divorce ou plutôt par la répudiation trop facile. sans doute, dans ces temps à demi barbares, le système de l’indissolubilité fut lié au triomphe de la civilisation elle-même. on ne peut en nier d’ailleurs la grandeur morale. certes, l’éternité du lien conjugal serait l’idéal. c’est l’espérance de l’infini déposée dans les cœurs. il est impossible de s’aimer profondément, ardemment, sans souhaiter l’éternité de l’amour. en outre, l’amour a besoin de durée, parce que c’est un élément de perfectionnement et de progrès, et parce que la famille est son but ; or, on ne peut se modifier en quelques mois, ni élever des enfants en quelques années. enfin la polygamie énerve les populations qui la pratiquent. le changement de relations porte aux excès, et les excès produisent chez l’individu un affaiblissement moral et physique, qui vicie la génération dans son germe. quels doivent être en effet l’esprit et le but de toute loi morale ou sociale ? prévenir une souffrance, empêcher un mal. avant nos moralistes et nos législateurs, la nature a posé son code de morale : elle a mis le châtiment à côté du mal, la souffrance à côté de l’abus. mais si, pour prévenir les abus et les dangers réels de la polygamie, on tombe dans un mal pire, celui d’enchaîner pour la vie, comme deux forçats à un boulet, deux êtres qui se haïssent ; si l’on arrive à faire un enfer de cette
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